Pour en finir avec vos films « en collaboration », parlons un instant de L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, la pièce de Copi que vous avez filmée en un seul plan-séquence. Comment est-ce que vous avez eu l’idée de ce dispositif ?
Rouch et Mekas. Rouch, qui a filmé avec Philippe Constantini Folie ordinaire d’une Fille de Cham, et Mekas, qui a filmé de la même façon, c’est-à-dire sans interruption et sur scène, la fameuse pièce du Living Theatre : The brig.
L’idée, si on peut dire, car c’est quand même assez évident – sauf pour les gens de la télé – c’est qu’il y a un espace-temps théâtral : une pièce de théâtre se déroule sans interruption du début à la fin. Les acteurs se lancent la parole, la reprennent comme une balle qui ne doit jamais tomber par terre, d’un bout à l’autre de la pièce. Couper, faire des champs contre champs, des plans d’ensemble, des gros plans, etc., comme on le voit dans les captations habituelles, ça me paraît un non- sens.
Donc, quand j’ai vu L’Homosexuel, dans la fantastique mise en scène de Philippe Adrien, j’ai demandé à Philippe et à ses acteurs de me faire une représentation pour moi, et je l’ai filmée de bout en bout en deux plans – parce qu’il n’y avait pas de cassette de plus d’une heure.
Vous n’avez pas choisi cette pièce uniquement parce que la mise en scène était bonne…
Non, évidemment, il y a aussi, et d’abord, la pièce de Copi, la furieuse révolte de Copi. Très rapidement : c’est une pièce qui montre l’horreur du monde, l’exploitation à mort – A MORT ! Et la difficulté d’exprimer ça. La difficulté, parce que – on revient à l’habitus – avec notre sentimentalité petite-bourgeoise, on n’est capable de voir l’horreur qu’enrobée de sucre ! La pièce est donc un mélange détonnant de scènes d’horreur, à la limite du Grand-Guignol, et de tirades grotesques, larmoyantes, délirantes !