Article original: Le quotidien, mar 30, 1977
Le Goût du Collectif
de Dominique Dubosc
Le combat moral des « Lip »,
Le Quotidien de Paris, 30 Mars 1977
(…)
Mais finalement, ce qui est le plus passionnant, ce qui rend «Le Goût du collectif» beaucoup plus vivant et beaucoup plus précieux qu’un simple document destiné à illustrer un épisode particulièrement instructif de l’histoire des luttes ouvrières, c’est l’attention que le réalisateur a accordée aux individus et à leur prise de conscience, son obstination à suivre des silhouettes et à observer des visages, son respect du discours d’autrui, respect qui l’empêche de céder aux tentations du machiavélisme didactique dont l’esprit rôde sournoisement dans les salles de montage, on ne le sait que trop.
C’est ainsi que nous suivons, vers la fin du film, les réactions des ouvriers provisoirement licenciés et contraints d’assister à des cours de recyclage en attendant une réintégration promise. Nous devenons les témoins de la maturité intellectuelle à laquelle leurs longs mois de lutte les ont fait accéder. Nous constatons l’évolution morale accomplie par chacun d’entre eux, nous les voyons pleinement capables et désireux d’assumer des responsabilités que l’actuelle organisation du travail se refuse à leur confier.
Nous comprenons alors que le combat des « LIP » ne s’est pas uniquement mené sur le front du licenciement collectif et pour la survie de l’entreprise, mais qu’il a aussi été pour beaucoup l’occasion d’un éveil à de nouvelles exigences morales.
De nouvelles menaces de licenciement inquiétant depuis quelque temps le personnel de LIP, la sortie de ce film ne peut que sembler parfaitement opportune. On regrette seulement qu’elle soit si confidentielle et qu’elle ne puisse toucher qu’un public déjà informé. Encore une fois, c’est le rôle de la télévision de diffuser de tels documents. Inutile de dire que nous n’en sommes pas là.
Michel Pérez