Penarroya : deux films, deux regards, une mobilisation – par Laure Pitti

Par deux fois en à peine plus d’un an, en janvier-février 1971 à Saint-Denis, puis en février-mars 1972 à Lyon, les ouvriers de la Société minière et métallurgique de Penarroya (SMMP), quasiment tous étrangers, pour la plupart originaires du Maroc, d’Algérie et de Tunisie (à Saint-Denis comme à Lyon) et, dans une moindre mesure, du Sénégal, du Mali et de Mauritanie (à Saint-Denis), se mettent en grève pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Dans ces usines de retraitement du plomb, récupéré à partir de batteries de voiture, les cas de saturnisme sont d’autant plus nombreux que les conditions de travail sont déplorables, issues d’un autre âge. La SMMP n’est pourtant pas une entreprise sans moyens : premier producteur français de plomb, elle détient cinq usines et quatre sites miniers, employant plus de 4 000 personnes en France — au sein d’un groupe, Le Nickel-Penarroya-Mokta, qui assure à lui seul 10% de la production mondiale de plomb et se targue d’une ambition moderniste.

Par deux fois, au cours même de la grève à Saint-Denis, dans les deux semaines qui en précèdent le déclenchement à Lyon, des images sont tournées, qui donnent lieu à deux films :Penarroya (1971) et Dossier Penarroya, les deux visages du trust (1972). Ces films n’auront ni la même fonction, ni le même écho dans la mobilisation. Ils ont néanmoins pour point commun, pour qui les regarde aujourd’hui, de situer très clairement deux des principaux enjeux de cette mobilisation : à la fois l’importance du processus et des modalités d’organisation collective d’ouvriers immigrés, longtemps — et encore trop souvent — tenus pour des acteurs marginaux d’une décennie de mobilisations ouvrières ; et la centralité des questions de santé au travail — jusqu’à il y a peu minorées, ou pour le moins dissoutes dans la thématique plus large des conditions de travail, dans l’historiographie des luttes ouvrières.

Penarroya Saint-Denis, 1971 : l’impulsion

Si la grève des ouvriers de l’usine Penarroya de Lyon est souvent mentionnée au titre des luttes « significatives » de la première moitié des années 1970 et continue de constituer une référence pour de larges cercles de militants — ouvriers mais pas seulement —, elle ne peut ni ne saurait se comprendre, de l’avis de tous les protagonistes de l’époque, sans celle menée un an plus tôt par les ouvriers de l’usine de Saint-Denis — laquelle restait, jusqu’à il y a peu, moins connue par elle-même que comme prémisse de celle de Lyon.

Celle-ci gagne pourtant à l’être, tant elle marque le début d’une mobilisation de plusieurs années sur les conditions de travail et la santé. Du 20 janvier au 6 février 1971, dix-sept jours durant, les 130 ouvriers de l’usine Penarroya de Saint-Denis — auxquels se sont joints 50 des 65 employés de l’usine pendant les cinq premiers jours de grève — cessent le travail pour réclamer la satisfaction de 9 revendications « présentées le 11 janvier par l’intermédiaire de délégués du personnel nouvellement élus », dont la lecture fait apparaître la prédominance des conditions de travail et des risques professionnels.

Cette grève se donne d’emblée comme une grève « pour les droits » : en particulier le droit à travailler dans des conditions décentes, protégé des dangers de la fabrication ou encore le droit à un repos plus important, en raison de la toxicité du plomb. Le terme est récurrent dans les tracts du « Comité des ouvriers de Penarroya », dont l’existence est attestée à partir de la mi-janvier 1971, au terme d’un processus d’organisation collective de plusieurs mois.

Celui-ci fut marqué, tout d’abord, par une syndicalisation massive des travailleurs immigrés — tous employés à la fabrication comme manœuvres ou OS 1 — à la CGT, là où la section syndicale, jusqu’alors, ne comptait que des ouvriers d’entretien jugés, par les ouvriers de fabrication, « incapables de donner les moyens d’expression au plus grand nombre », et où les délégués étaient considérés comme « vendus ». Le renouvellement des délégués du personnel constitua la première scansion de ce processus d’organisation collective des ouvriers de fabrication à l’issue d’une assemblée générale, tenue en décembre 1970, où la liste des délégués fut établie, et imposée à la Direction de l’usine sous la menace d’un boycott des élections, selon un critère d’« au moins un délégué par atelier et en fonction de la confiance que les ouvriers avaient dans chacun ». Les quatre délégués préalablement choisis sur ces bases furent élus courant décembre. Parmi eux figuraient, « pour la première fois, des originaires d’Afrique » (Afrique du Nord et subsaharienne) — comme n’a pas manqué de le souligner le directeur de l’établissement de Saint-Denis, dans la « relation » de la grève qu’il adressa à l’Inspecteur du Travail de Saint-Denis à l’issue de la grève, le 17 février 1971. L’équation « immigré = salarié soumis », encore vive dans l’esprit des dirigeants d’une usine qui n’avait « pas connu de conflit depuis 1949 et avait évité les arrêts de travail consécutifs aux événements de mai-juin 1968 », n’était plus d’actualité.

Ce furent ces délégués qui présentèrent un cahier de revendications, le 11 janvier 1971, qui en comptait 9 pour les ouvriers, dont 8 concernaient les conditions de travail et la sécurité :

« Pour les ouvriers :

  • Majoration générale du salaire horaire de 1 F. à partir du 1er janvier 1971 au titre du rattrapage des retards des salaires,
  • Obtention d’une prime d’insalubrité de 100 F.,
  • Réparation des douches et du chauffage des vestiaires,
  • Embauche d’un ouvrier pour l’entretien des vestiaires,
  • Possibilité de faire laver les bleus tous les 8 jours,
  • Obtention de 3 paires de bleus par an et d’une casquette pour tous,
  • Obtention de chaussures de sécurité gratuites,
  • Attribution de bleus et de chaussures dès l’embauche,
  • 1 samedi sur 2 de repos pour les casseurs de batteries ».

S’y s’ajoutaient deux autres revendications partagées par les employés, relatives à l’exercice des droits syndicaux : « Attribution d’un local équipé pour les Organisations syndicales » et « Panneau d’affichage pour les communications syndicales ».

La lecture faite par la Direction de l’usine de ces revendications, en particulier de celles relatives à l’insalubrité et à la sécurité au travail, fait apparaître la marche à la grève comme inéluctable, tant celle-ci, à la fois, nie l’existence de l’insalubrité et en rejette la responsabilité sur les ouvriers.

« Si les prescriptions d’hygiène et de sécurité sont normalement observées comme elles le doivent, le risque est pratiquement exclu. C’est donc à chacun d’accomplir son devoir et ses obligations en observant rigoureusement les consignes et règlements de sécurité et en entretenant la propreté constante des postes de travail. Une prime ne peut, en aucun cas, compenser un risque qui, en fin de compte, ne réside que dans le fait de l’inobservation des prescriptions et règlements d’hygiène et de sécurité, de même que des règles ordinaires de propreté ».

Concernant les douches, on peut lire sous la plume du Directeur de l’usine, le 18 janvier 1971 :

« Douches et vestiaires ont été nettoyés et désinfectés de fond en comble en août 1970. Après cette date, l’Entretien est encore intervenu pour perfectionner les pommes de douches neuves qui venaient d’être mises en place. Depuis, elles ont encore été endommagées. Il n’est pas raisonnable de penser qu’on doive continuellement intervenir sur des installations de ce genre dont les dégradations ne peuvent provenir que du fait de ceux qui s’en servent ».

Dès lors, la grève est perçue — et présentée — comme inéluctable par les ouvriers. Un tract signé du Comité des ouvriers de Penarroya, le 18 janvier, veille de la réunion prévue avec la Direction, en atteste, qui prévenait :

« Si mardi matin [le 19 janvier] le patron dit non à nos droits, il saura ce que ça va lui coûter. Chaque jour il perdra plusieurs millions. Mais nous, on peut compter sur la solidarité des ouvriers des autres usines pour nous aider avec de l’argent à continuer notre grève aussi longtemps qu’il le faudra.

NOUS NE VOULIONS PAS LA GRÈVE, c’est le patron avec la paie de misère qu’il nous donne et les conditions de travail trop dures qui pousse les ouvriers à la grève.

MAIS NOUS SOMMES PRÊTS POUR LA GRÈVE,

Car CE QUE NOUS DEMANDONS, C’EST JUSTE !

MARDI, DERNIER JOUR POUR LA RÉPONSE !

NOS DROITS OU LA GRÈVE ! »

Devant le refus de la Direction, le 19 janvier, la grève avec occupation est déclenchée le 20. Elle durera presque trois semaines. De l’avis de plusieurs acteurs de l’époque, qu’il s’agisse du Directeur de l’usine, de fonctionnaires de l’inspection du travail ou de militants, ce fut « une grève dure », avec une occupation stricte (seuls un à deux cadres furent autorisés à entrer dans l’usine), dont la durée s’explique à la fois par la détermination des grévistes, qui occupent l’usine sans discontinuer, par la solidarité des ouvriers des usines voisines et de la municipalité, et, du côté patronal, par un contexte « de fermeté ». Gilles Dinnematin, venu filmer les ouvriers en grève, témoigne de la première :

« J’ai un souvenir très précis de ces ouvriers pour la plupart immigrés qui cassaient, entre autre, à la hache des anciennes batteries pour récupérer le plomb et ce sans protection, ni gants, ni lunettes, alors que les batteries regorgeaient d’acide. Je me souviens encore plus de ces ouvriers qui, lorsque je leur ai demandé de me montrer le travail qu’ils faisaient pour que je puisse le filmer, ont accepté de seulement mimer le travail puisque, par respect pour la grève qu’ils menaient, il leur était impossible de travailler, même pour le cinéma militant. Une leçon de dignité prolétarienne que je ne suis pas prêt d’oublier ».

Les campagnes de solidarité, par voie de tracts, d’articles de presse et de quêtes sur la voie publiques, menées en particulier par la CGT et le Secours rouge, accentuent la résonance du conflit.

À l’issue de presque trois semaines d’occupation, suite à plusieurs réunions de conciliation organisées par l’Inspection du Travail de Saint-Denis entre le 2 et le 4 février, un accord est trouvé, qui prévoit des augmentations de salaires (moindres cependant que celles demandées, puisque aboutissant a maxima à 0,64 F d’augmentation du taux horaire) et des mesures pour l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité. La prime d’insalubrité, quant à elle, est refusée. La décision de reprendre le travail est votée en assemblée générale le 5 février.

La fin de la grève ne sonne pas pour autant le glas de la mobilisation, ni des formes d’organisation collective initiées en amont de la grève. Le film issu de la grève, monté quelques temps plus tard, en atteste, qui signale par exemple l’existence d’un « Comité de sécurité des ouvriers » qui œuvre, au-delà de la grève, pour obtenir l’amélioration des conditions d’hygiène et la remise des analyses de sang par écrit aux ouvriers. « Comme pour la grève, le Comité de sécurité, c’est l’affaire de tous les ouvriers. Nous avons désigné des délégués par nationalité et par atelier. Ce qu’on veut, c’est apprendre ce qu’est la maladie du plomb, apprendre à lire les analyses de sang, aider les ouvriers à se soigner, obliger la Direction à faire les travaux nécessaires pour se protéger de la maladie », égrène ainsi le commentaire en voix off d’un film dont il y a fort à parier qu’il n’a pas été pour rien dans le développement des échanges entre les ouvriers des différentes usines du Groupe, bases d’une nouvelle mobilisation.

Penarroya, 1971, ou la genèse mouvementée d’un film trop peu montré

À qui cherche à retracer les étapes de sa réalisation, Penarroya, diffusé de manière restreinte dès 1971, apparaît comme une création hybride.

Issu des images tournées au cœur même de la grève, dix jours après son déclenchement, par Gilles Dinnematin, alors militant de Tout !, journal du groupe maoïste libertaire Vive La Révolution !, à la demande des grévistes relayée par des militants maoïstes, il a vraisemblablement été monté, peu de temps après la grève, par Jacques Kebadian, militant de la Gauche prolétarienne, à qui Gilles Dinnematin avait transmis les rushes muets. « L’habillage » du film, quant à lui, en l’occurrence le générique « Images de la Nouvelle Société », est vraisemblablement postérieur et lié au rôle joué par Iskra dans la sauvegarde de celui-ci.

Ce montage, d’une dizaine de minutes, où les images de la grève alternent avec des caricatures, toutes filmées en plan fixe, est scandé par un commentaire en voie off, prononcé par Bernard Loup, qui se remémore l’avoir enregistré dans le sillage de la grève, durant l’année 1971. Ancien équipier de la Cimade, où il fit son service civil, Bernard Loup s’est embauché à Penarroya en 1969, comme ouvrier à l’échantillonnage, et y a été élu délégué du personnel CGT en décembre 1970. Il fut l’un des acteurs du processus d’organisation collective impulsé dans l’usine durant la deuxième moitié de l’année 1970. Bernard Loup fut aussi, selon ses propres termes, un « lien avec l’extérieur » durant la grève, notamment avec des militants du Secours rouge, ce qui n’est évidemment pas sans lien avec le fait qu’il ait prêté sa voix à la bande-son du film — dans la réalisation duquel il souligne le rôle central de militants du Secours rouge.

Créé en juin 1970 dans le but « d’assurer la défense politique et juridique des victimes de la répression et de leur apporter un soutien matériel et moral », le Secours rouge rassemble des militants communistes de divers horizons, où dominent néanmoins les révolutionnaires (maoïstes de la Cause du Peuple et de VLR, trotskistes de la Ligue communiste) ; il est structuré en comités locaux, qui « fonctionnent de manière quasi-autonome à partir de 1971 », et dont la ligne politique diffère selon les militants qui les animent, « servant parfois de relais des organisations d’extrême gauche et de lieux de rassemblement unitaires localement ».

À Saint-Denis, sans nul doute, le comité local du Secours rouge, qui regroupe « des ouvriers, des étudiants, des lycéens de la région de Saint-Denis », n’est pas un lieu de rassemblement unitaire, tant ses initiatives sont contestées par l’Union locale CGT. La collecte qu’il organise durant la grève, à la fin janvier 1971, dans les usines voisines de Babcock-Atlantique à La Courneuve, Citroën à Saint-Denis, Alsthom à Saint-Ouen, et sur les marchés d’Aubervilliers, de Pantin et de Saint-Denis, « pour aider au maximum [les ouvriers de Penarroya en grève] à gagner [leurs] droits », selon les termes d’un tract diffusé à l’usine fin janvier 1971, est dénoncée en ces termes par la CGT locale, dans les colonnes de Saint-Denis républicain le 6 février  :

« Le Syndicat des Métaux, la Section syndicale invitent la population à ne verser qu’aux collectes organisées par la CGT sur la voie publique. Dimanche dernier, des individus n’ayant rien à voir avec les travailleurs de l’usine Penarroya et s’intitulant ‘‘Secours rouge’’ et ‘‘Comité des ouvriers de Penarroya’’, ont collecté de l’argent sur le marché de Saint-Denis. Donc, attention aux faux quêteurs ! ».

On retrouve ici la traditionnelle dénonciation des « gauchistes », notamment ceux de la Gauche prolétarienne, systématiquement assimilés à des usurpateurs et des provocateurs.

Pourtant, le film comme les tracts du Comité des ouvriers de Penarroya, dans leurs mots d’ordre et dans leur style, diffèrent de la phraséologie souvent violemment antagoniste de la Gauche prolétarienne, et reprennent quasiment mot pour mot les revendications des grévistes telles que déposées à la Direction.

Là où la GP diffuse, en décembre 1970, au moment même de l’élection de nouveaux délégués, un tract qui, sous le titre Assez ! On en a marre !, dénonce « Rostschild-le-sioniste », « patron-négrier [qui] va payer », le premier tract du Comité des ouvriers, diffusé à la mi-janvier, sous le titre Ce que nous voulons, c’est juste !, détaille cinq revendications : 1 franc d’augmentation de l’heure, une prime de 100 francs « pour la saleté qui nous colle à la peau et à l’intérieur », « de l’eau chaude dans des douches propres », « du matériel de sécurité, un samedi sur deux de repos » ; et conclut :

« Si le patron n’est pas d’accord avec l’augmentation et la satisfaction de toutes nos revendications, on se mettra tous en grève ! Il n’y aura plus à discuter ! Nous sommes trop dans la misère ! Nous ne demandons pas la lune : CE QUE NOUS DEMANDONS, C’EST JUSTE ! ».

Cette démarcation, comme les témoignages et les trajectoires militantes d’acteurs de l’époque — Bernard Loup, par exemple, ne se définit pas comme un militant maoïste —, incitent à rebours à lire l’analyse de la CGT non seulement comme une dénonciation des « gauchistes » mais aussi, au-delà, comme une critique implicite des modes d’organisation de la mobilisation — en ce qu’ils échappent en partie aux formes instituées de représentation et de délégation. À ce titre, la mobilisation des ouvriers de Penarroya, dès la grève de Saint-Denis en 1971, apparaît exemplaire d’une distance, si ce n’est une ligne de faille, quant aux formes et pratiques d’organisation collective, entre ouvriers immigrés et syndicats ouvriers — au premier rang desquels la CGT —, identifiable dans (voire caractéristique de) nombre d’autres conflits impliquant les premiers.

De Saint-Denis à Lyon, la radicalisation d’une mobilisation

En matière de modes d’organisation de la mobilisation, les divergences entre ouvriers de fabrication et syndicat CGT iront en s’accentuant, jusqu’à la rupture aux lendemains du déclenchement de la deuxième grève, commune cette fois à trois usines du Groupe (celles de Saint-Denis, de Lyon et d’Escaudœuvres), en février 1972.

Dans l’intervalle, les échanges entre les ouvriers de ces trois usines se sont développés après que, le 25 février 1971, soit moins de trois semaines après la fin de la grève, ceux de Saint-Denis eurent adressé une lettre collective « aux travailleurs du trust », en arabe et en français, « élaborée d’abord au cours d’une réunion entre une quinzaine d’ouvriers de l’usine, puis écrite définitivement après discussion dans les ateliers » — une pratique d’élaboration collective qui sera reprise et systématisée par les ouvriers de l’usine de Lyon —, dans l’idée d’« informer [les travailleurs du trust] de la situation dans l’usine de Saint-Denis et pour [leur] demander des informations sur la situation dans les autres usines du trust Penarroya ». La diffusion de cette lettre a bénéficié en particulier de l’appui des Cahiers de mai, « groupe-journal » qui, depuis la parution de son premier numéro en juin 1968, rassemble des militants qui, par l’enquête ouvrière, entendent (re)donner la parole aux ouvriers et ainsi « continuer mai ». Les Cahiers de mai publient la Lettre dans leur édition n°28 de mars 1971. Plusieurs réunions se tiennent à l’automne 1971, réunissant des ouvriers des usines de Saint-Denis, Lyon et Escaudœuvres, qui aboutissent au dépôt coordonné d’un cahier de revendications dans les trois usines, le 27 décembre 1971. Celui-ci comprend deux revendications identiques aux trois usines : une augmentation d’un franc de l’heure et la publication des analyses de sang, auxquelles s’adjoignent des revendications propres à chacune d’elle. C’est sur cette base, et devant la fin de non-recevoir des Directions des différentes usines du Groupe, qu’est organisée et déclenchée une grève conjointe, le 9 février 1972.

À Saint-Denis, le travail reprend dès le 11 février, l’Union locale des syndicats CGT de Saint-Denis désavouant la grève. Dans un tract au titre évocateur : Pour une action syndicale responsable et efficace, daté du 14 février, l’Union locale

« après avoir analysé la situation revendicative des entreprises, […] considère que l’action résolue, responsable et réfléchie, préparée démocratiquement dans les entreprises sera efficace pour venir à bout de l’intransigeance des patrons et du gouvernement.

Dans cette situation complexe et malsaine, créée par le pouvoir, l’action syndicale doit éviter la confusion, l’impatience et les actions irréfléchies.

Les patrons et le pouvoir ont besoin d’alliés directs et indirects pour faire front aux luttes des Travailleurs, utilisant au besoin la provocation et la répression.

C’est ainsi qu’à Saint-Denis, des éléments troubles opèrent indirectement ou directement pour le compte de l’adversaire de classe.

Depuis plusieurs jours, sans consulter le Syndicat CGT des Métaux, ni les Personnels intéressés, ils ont préparé une aventure dans l’usine Penarroya en poussant les travailleurs à engager l’action sans que les conditions soient réalisées afin de placer ces travailleurs le dos au mur face à un groupe patronal important.

Dans cette usine, depuis un an, ‘‘un parachuté’’ gauchiste se faisant élire délégué CGT, a utilisé ce titre pour obtenir la confiance des ouvriers afin d’appliquer les ‘‘thèses révolutionnaires’’ des bandes maoïstes et autres aventuriers.

De plus, il est plutôt drôle que ce ‘‘militant’’ ait créé, à Lyon, dans une autre usine Penarroya, un syndicat CFDT animé par des gauchistes comme lui.

La CGT, tout en soutenant les légitimes revendications des Travailleurs de Penarroya, dénonce publiquement le rôle néfaste de ce petit groupe prétendant donner des leçons de lutte de classe aux Syndicats ouvriers ».

La pratique collective des ouvriers de l’usine Penarroya de Saint-Denis, comme de Lyon, est ici réduite à l’activisme d’un « parachuté gauchiste » — en l’occurrence, Bernard Loup. Lecture erronée tout d’abord, comme aveuglée par le « péril maoïste », tant elle ignore le rôle des Cahiers de mai, essentiel dans les liaisons entre les différentes usines du groupe. Lecture en partie paternaliste, ensuite, tant elle dénie aux travailleurs immigrés le statut d’acteurs de la mobilisation, les assignant à celui de perpétuels manipulés. Lecture tendancieuse s’il en est, enfin, tant la création d’une section syndicale CFDT, à Lyon, fait suite à un processus d’organisation collective qui n’est pas sans rappeler celui initié à Saint-Denis dans la deuxième moitié de l’année 1970, avec en particulier un choix des délégués par atelier, validé en assemblée générale, et l’instauration d’une section syndicale sur ces bases. Celle-ci fut CFDT, la CGT lyonnaise ayant, précisément, refusé ce processus militant.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’une majorité des ouvriers de l’usine de Saint-Denis, certes syndiqués à la CGT, mais qui auraient voulu continuer la grève, « décident de se retirer de la CGT et de faire ‘‘la force ouvrière’’ », en l’occurrence « un syndicat qui soit contrôlé par les ouvriers ». Le vocable, qui pourrait prêter à confusion, renvoie ici à l’idée d’unité et de contrôle ouvriers dans la conduite des luttes, souvent incarnée dans la mobilisation des Penarroya par une autre expression : « aller jusqu’au bout, la main dans la main ». Ainsi fut constituée la section syndicale CFDT de l’usine Penarroya de Saint-Denis, en février 1972, qui « a drainé les trois quarts des adhérents CGT », rejoignant une configuration militante identique à celle de l’usine de Lyon — sans pour autant renouer avec la grève.

À Lyon, en revanche, la grève — qui va durer plus d’un mois, jusqu’au 13 mars 1972 —marque à la fois une radicalisation et une extension de la mobilisation.

La radicalisation est sensible dans l’énoncé des revendications, perceptible par exemple à l’abandon de l’idée d’une prime de risque au profit « d’équipements qui suppriment la cause des accidents et des maladies ». Ce refus d’une monétarisation du risque et cette exigence de prévention font rupture avec la ligne jusqu’alors adoptée par le mouvement ouvrier en matière d’hygiène et de sécurité. La popularisation de la mobilisation, et l’implication d’acteurs multiples (habitants du quartier de Gerland à Lyon, artistes, médecins, paysans…), constitue un signe de son extension, où le second film Penarroya joue un rôle central.

Dossier Penarroya, les deux visages du trust, 1972 : le premier des « films insérés »

Le second film, Dossier Penarroya, les deux visages du trust, se différencie du premier en ce qu’il fut, tout d’abord, fabriqué en amont de la grève, et conçu comme un « outil » au service de la mobilisation ouvrière, visant à en populariser les enjeux. Raison pour laquelle il ne montre aucune image des ouvriers en grève — et pour cause : le film est projeté une première fois le 8 février et la grève démarre le 9 —, mais se centre sur la dénonciation de l’image de marque du Groupe — une demande formulée en assemblée générale.

Réalisé en moins de deux semaines — entre le 25 janvier et le 8 février 1972 — par Dominique Dubosc, militant du groupe Textile des Cahiers de mai et « technicien du cinéma », selon sa propre expression, sur un scénario bâti conjointement avec Daniel Anselme, fondateur et animateur des Cahiers de mai, le Dossier Penarroya peut être défini comme « une arme pour démasquer l’image de marque mensongère du trust Penarroya et de son parrain, le baron Guy de Rotschild ». L’objet film se voit ainsi assigner une fonction : contrer l’image par l’image ; et son réalisateur, dont la pensée et la pratique façonnent pourtant l’image — certaines images, faute de temps, sont d’ailleurs « empruntées » à d’autres films tournés par Dominique Dubosc, notamment en Bolivie —, s’efface derrière la priorité fixée : construire par l’image un nouvel outil de mobilisation. Hier comme aujourd’hui, Dominique Dubosc se définit comme un « outilleur », en l’occurrence un professionnel de l’image au service de cette « arme » à construire, plus qu’un réalisateur et un auteur. Le Dossier Penarroya : les deux visages du trust, est un film que son réalisateur revendique délibérément comme « sans auteur », distinguant par là art et politique, et isolant la singularité des films militants.

« Les films militants n’ont pas grand chose à voir avec le cinéma en tant qu’art. En revanche, je crois qu’ils ont tout à voir avec la politique, c’est-à-dire qu’ils doivent être rigoureusement insérés dans une action politique. C’est du moins ma définition du film militant. […] Je ne crois pas que les films militants soient du cinéma : ils n’ont donc pas d’auteur, on ne peut pas parler de ‘‘mes’’ films militants. Je dirais plutôt que ces films — ceux dont je parle, les films insérés — sont réalisés par des maîtres d’œuvre ou des techniciens spécialisés, capables de fabriquer, à la commande, et surtout à temps, l’outil ou l’arme dont tel ou tel mouvement, une grève par exemple, a besoin ».

Contrer l’image par l’image, marquer l’irréductible antagonisme entre ouvriers et Direction de Penarroya en opposant notamment, dans la matérialité même du film, la couleur au noir et blanc : tel fut l’angle choisi pour populariser la mobilisation des ouvriers des usines du groupe Penarroya.

D’où une construction filmique en boucle, répétitive. Reprenant, mais de manière plus ramassée, la structure générale du Dossier d’information que les Cahiers de mai diffusent « à ceux qui peuvent soutenir l’action des ouvriers de Penarroya (usines de Lyon, Saint-Denis et Escaudœuvres) et à ceux qui veulent rendre compte de ses vrais motifs », celle du film articule cinq séquences : « Économie », « Conditions de travail, salaires », « Santé », « Logement », « Organisation, liaisons » qui, toutes, à l’exception de la dernière, commencent par trois voixoff, les deux premières singeant l’atmosphère d’une manifestation officielle du groupe Penarroya. Une voix de femme annonce : « Mesdames, Messieurs, le baron Guy de Roschild s’adresse à vous » ; lui succède la voix contrefaite dudit baron, entamant un discours par ces mots : « Mesdames, Messieurs, nous sommes tous, à Penarroya, heureux de vous accueillir dans ces nouveaux locaux, clairs, modernes et qui engagent en quelque sorte leurs occupants à regarder résolument vers l’avenir… ». À ces deux voix succède systématiquement un commentaire contradictoire prononcé par Daniel Anselme.

« Comme un marteau tapant sur le même clou » selon l’expression de Dominique Dubosc, chacune de ces séquences confronte l’image de marque véhiculée par la Direction du groupe à celles, cachée derrière les murs des usines, des conditions de travail, de santé et de logements, filmées sur un mode on ne peut plus réaliste, à partir de plans fixes sur des images photographiques ou d’images animées — notamment celles des bâtiments de l’usine filmés de l’intérieur de son enceinte ou du plomb en fusion, filmé à la dérobée depuis une fenêtre de dortoir elles aussi repassées en boucle.

Le film fut tiré en 8 exemplaires et projeté pour la première fois au cinéma Olympic, à Paris, le 8 février 1972, à la veille du déclenchement de la grève. Les ouvriers de l’usine Penarroya de Lyon furent rapidement formés par Dominique Dubosc à charger le film sur quatre projecteurs 16mm qui avaient été mis à leur disposition. Selon les archives du Collectif audiovisuel de Liaisons directes, groupe qui succède aux Cahiers de mai en 1974, avec l’objectif de « construire avec les travailleurs les documents audiovisuels qui peuvent les aider dans leurs luttes », « en un mois, en février 1972, le film a été vu par plus de 1 500 personnes, à Lyon, au cours de réunions publiques ». Les habitants du quartier de Gerland à Lyon, constatant les ravages du plomb sans parvenir à en identifier la source, furent de ces réunions publiques, ce qui contribua sans aucun doute à l’issue positive de la grève.

Le 13 mars 1972 en effet, au terme de plus d’un mois de grève, les ouvriers de l’usine Penarroya de Lyon-Gerland obtinrent satisfaction sur la quasi-totalité de leurs revendications, en particulier sur l’amélioration des conditions de sécurité dans les ateliers, la connaissance du résultat des analyses médicales et la construction d’un foyer neuf, à distance des émanations toxiques de l’usine. La mobilisation des Penarroya n’en était pas pour autant terminée, qui se poursuivit sur le volet santé — jusqu’à réussir à faire changer les critères de reconnaissance de la maladie professionnelle du plomb, en 1977. D’autres images témoignent de ce troisième processus d’organisation collective, où les médecins jouèrent un rôle central, aux côtés d’ouvriers immigrés résolument décidés à devenir acteurs et experts de leur propre santé.

Au-delà de la trace, tangible, qu’ils constituent des mots d’ordre et pratiques de cette mobilisation, ces deux films nous incitent à renverser la perspective : en ces temps d’une commémoration de 1968 où les actions ouvrières d’usine ont enfin gagné droit de cité,Penarroya et Dossier Penarroya. Les deux visages du trust montrent le rôle central que ces catégories marginales du mouvement ouvrier (institué) tiennent, en ces « années 1968 », dans la structuration d’une insubordination ouvrière renouvelée et la formation d’un « espace public d’opposition » à la domination, inédit, issu du monde du travail. L’on ne peut que se réjouir que ces films soient de nouveau montrables, et montrés, apportant ainsi leur pierre à l’édifice d’une socio-histoire des mobilisations des ouvriers immigrés, qui reste encore largement à écrire.

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Je tiens à remercier chaleureusement Danièle Fraboulet, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 13, d’avoir attiré mon attention sur les fonds de l’Inspection du Travail conservés aux Archives départementales de Seine-Saint-Denis ; et Tangui Perron, l’auteur de ce livre, de m’avoir fait découvrir et aidée à reconstituer les étapes de la genèse du film Penarroya, 1971.

1 À Saint-Denis par exemple, l’Inspecteur du Travail note dans son rapport : « le Groupe Penarroya avait un gros retard à rattraper dans cette usine tant au niveau des salaires que des conditions de sécurité ». Inspection du Travail, 2e section, Note de Monsieur Delafosse, Inspecteur du Travail, à Monsieur le Directeur Départemental du Travail et de la Main-d’Œuvre de la Seine-Saint-Denis. Objet : conflit Penarroya, 11 février 1971, 9 p., p. 2, AD 93, 1383W17. Voir aussi Laure Pitti, « La lutte des Penarroya contre le plomb », Santé & Travail, n°62, avril 2008, p. 48-50.

2 Daniel Anselme, « La grève de Penarroya, Lyon, 9 février – 13 mars 1972 » in Quatre grèves significatives, Paris, EPI, 1972, p. 141-173.

3 On fera par exemple référence à la mémoire de la grève de Penarroya dans les cercles militants « de l’immigration », cf. notamment Mogniss H. Abdallah et Le Réseau No Pasaran, J’y suis, J’y reste ! Les luttes de l’immigration en France depuis les années soixante, Paris, Éditions Reflex, 2000, p. 27.

4 Inspection du Travail, 2e section, Rapport Penarroya, op. cit., p. 2.

5 Laure Pitti, entretien avec Bernard Loup, 29 mai 2008. Le décalage avec les délégués du personnel issu du secteur d’entretien est, en outre, attesté par la Direction de l’usine dans la « relation » de la grève que celle-ci transmet à l’Inspecteur du Travail de Saint-Denis, où elle précise : « Les anciens délégués ne se sentant plus représentatifs ne se sont pas représentés », cf. SMMP, Usine de Saint-Denis, À Monsieur l’Inspecteur du Travail de Saint-Denis, 17 février 1971, 14 p. manuscrites, p. 1, AD 93, 1383W17.

6 Laure Pitti, entretien avec Bernard Loup, 29 mai 2008.

7 Parmi les quatre délégués élus, un Français et trois étrangers (un Marocain, un Algérien et un Sénégalais).

8 SMMP, Usine de Saint-Denis, À Monsieur l’Inspecteur du Travail de Saint-Denis, op. cit., p. 1.

9 Inspection du Travail, 2e section, Note de Monsieur Delafosse, Inspecteur du Travail…, op. cit., p. 7.

10 Inspection du Travail, 2e section, Note de Monsieur Delafosse, Inspecteur du Travail…, op. cit., p. 2.

11 Ibid.

12 Réunions du 19 janvier 1971, compte-rendu manuscrit signé du Directeur de l’Usine, M. Benoits, 18 p., p. 9, AD 93, 1383W17.

13 Ibid., p. 10.

14 Comité des ouvriers de Penarroya, LE PATRON DIT TOUJOURS : DEMAIN ! DEMAIN ! LES OUVRIERS RÉPONDENT : MARDI, NOS DROITS OU LA GRÈVE !, tract, s.d. (18 janvier 1971), 1 p., AD 93, 1383W17.

15 Cf. Inspection du Travail, 2e section, Note de Monsieur Delafosse, Inspecteur du Travail…, op. cit., p. 6-8 (« ‘‘Analyse politique du conflit’’ »).

16 « La mairie de Saint-Denis nous a donné à chacun un repas par jour », cf. Lettre des ouvriers de Saint-Denis aux travailleurs du trust, 25 février 1971, reproduite in Pour le succès des travailleurs de Penarroya. Bulletin d’information n°1 du Comité de soutien aux travailleurs de Penarroya, n°1, 2 mars 1972, non paginé, 50 p., p. 9-10, p. 10.

17 « Le Groupe Penarroya a été incité à la fermeté, d’une part, puisqu’il ne voulait pas déroger pour un de ses établissements à la politique salariale décidée pour l’ensemble du groupe pour l’année 1971, d’autre part, il ne voulait pas mettre l’UIMM [Union des industries métallurgiques et minières], alors que des négociations de salaires avec les syndicats de la Métallurgie étaient en cours, devant une augmentation trop importante des salaires », ibid., p. 8.

18 Échange de courriels entre Gilles Dinnematin et Tangui Perron, 2 février 2008.

19 Cf. infra.20 SMMP, Établissement de Saint-Denis, Revendications du personnel de l’usine de Saint-Denis. Réunion du 4 février 1971, 5 février 1971, 3 p. et 5 annexes, annexe 3, AD 93, 1383W17.

21 À partir du 30 janvier, comme en atteste la relation de la grève faite par la Direction de l’usine à l’Inspection du Travail : « Le samedi 30, le piquet de grève autorisa l’entrée dans l’Usine de personnes ne faisant pas partie du personnel, sans tenir compte de la mise en garde de l’ingénieur de service les avertissant de la gravité d’une telle façon de faire tant du point de vue du droit que de celui de l’espionnage industriel car les visiteurs étaient munis d’appareils photographiques et de cinématographie », SMMP, Usine de Saint-Denis, À Monsieur l’Inspecteur du Travail de Saint-Denis, op. cit., p. 11.

22 Laure Pitti, entretien avec Bernard Loup, 29 mai 2008.

23 Michelle Zancarini-Fournel, Changer la vie ! Histoire sociale des contestations, Habilitation à diriger des recherches, université Paris 1, 1998, p. 255-256.

24 Secours Rouge, Vive la solidarité populaire !, tract, s.d. (janvier 1971), 1 p., AD 93, 1383W17.

25 Ibid.

26 « Les 200 travailleurs de l’entreprise ‘‘Penarroya’’ en grève depuis 17 jours », Saint-Denis républicain, 6 février 1971, p. 5.

27 Les maos de la Cause du Peuple, Assez ! On en a marre !, tract, 1 p., s.d. (décembre 1970), AD 93, 1383W17.

28 Le comité des ouvriers de Penarroya, Ce que nous voulons, C’EST JUSTE !, tract, 1 p., s.d. (17 ou 18 janvier 1971), AD 93, 1383W17.

29 Cf. par exemple, sur la grève des ouvriers des presses de Renault, à Billancourt, en 1973, Laure Pitti, « Grèves ouvrières versus luttes de l’immigration. Une controverse entre historiens », Ethnologie française, XXXI, 2001/3, juillet-septembre, pp. 465-476.

30 Que l’Inspection du travail analyse en ces termes, en conclusion de l’analyse du conflit Penarroya à Saint-Denis : « Il est à noter aussi que les travailleurs immigrés continuent à constituer le point faible tant du Groupe Penarroya que de la CGT », Inspection du Travail, 2e section, Note de Monsieur Delafosse, Inspecteur du Travail…, op. cit., p. 9.

31 Politique hebdo, 24 février 1972.

32 Lettre des ouvriers de Saint-Denis aux travailleurs du trust, op. cit., p. 9.

33 « Comment les liaisons directes se sont développées entre les travailleurs de Penarroya Saint-Denis, Lyon et Escaudœuvres », in Cahiers de Mai, Informations destinées à ceux qui peuvent soutenir l’action des ouvriers de Penarroya (usines de Lyon, Saint-Denis et Escaudoeuvres) et à ceux qui veulent rendre compte de ses vrais motifs, février 1972, 21 p., p. 2-3, Archives CFDT, Syndicat Renault des Travailleurs de l’Automobile (SRTA), Actions revendicatives, 4W91.

34 Union locale des Syndicats CGT de Saint-Denis, Pour une action syndicale responsable et efficace, tract, s.d. (14 février 1972), 2 p., p. 1, AD 93, 1383W17.

35 Laure Pitti, entretien avec Bernard Loup, 29 mai 2008.

36 Pourquoi nous voulons être main dans la main avec les travailleurs français, tract, 20 février 1972, 2 p., p. 1, archives privées de Michel Leclercq.

37 Voir Laure Pitti, « Du rôle des mouvements sociaux dans la réparation et la prévention des risques professionnels : le cas de Penarroya, 1971-1988 » in Catherine Omnès et Laure Pitti, Cultures du risque au travail et pratiques de prévention au XXe siècle : la France au regard des pays voisins, à paraître.

38 Cf. « Filmer pour mobiliser : l’exemple de Penarroya. Premiers jalons d’une réflexion sur le rôle du cinéma militant dans (et pour) l’histoire des grèves d’ouvriers immigrés durant les années 1970 », Migrances, n°32, dossier Musiques et films, archives pour l’histoire de l’immigration, quatrième trimestre 2008, p. 42-50.

39 Laure Pitti, entretien avec Dominique Dubosc, Paris, 11 avril 2006.

40 Commentaire écrit de Dominique Dubosc, en introduction à la version DVD du Dossier Penarroya : le double visage du trust, N&B, Kinofilms, avril 2007, 19’.

41 Entretien avec Dominique Dubosc, Paris, 11 avril 2006.

42 La grève de Penarroya 1972. Les films insérés, entretien avec Dominique Dubosc, publié surwww.dominiquedubosc.org

43 Lequel comprend sept parties : 1- Penarroya, monographie sommaire ; 2- Des conditions de travail très pénibles et malsaines ; 3- Des salaires très bas. Des fiches de paie incompréhensibles ; 4- Santé, hygiène, sécurité ; 5- Logement, conditions de vie ; 6- Cahier de revendications, 27 décembre 1971, 25 janvier 1972 ; 7- Comment les ouvriers de Saint-Denis et de Lyon se sont organisés. Comment les liaisons directes se sont développées entre les travailleurs des usines de Lyon, Saint-Denis et Escaudœuvres, cf. Cahiers de Mai, Informations destinées à ceux qui peuvent soutenir l’action des ouvriers de Penarroya…, op. cit.

44 « Penarroya, le double visage du trust. Ce que montre le film », fiche descriptive in Des travailleurs utilisent l’audiovisuel au service de leurs luttes, plaquette, « réalisation et diffusion avec l’aide de militants regroupés au sein du Collectif audiovisuel de Liaisons Directes en accord avec les travailleurs qui ont mené ces luttes », s.d. (1974).

45 On sera ici obligé de faire attendre le lecteur, ce terrain, actuel, de nos recherches n’ayant pas encore livré tous ses résultats. Les étapes de la mobilisation jusqu’au changement législatif sont néanmoins d’ores et déjà décrites in Laure Pitti, « Du rôle des mouvements sociaux… », art. cité.

46 Cf. Xavier Vigna, Actions ouvrières et politiques à l’usine en France dans les années 68, doctorat d’histoire, université Paris 8, 2003, publié sous le titre L’insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d’histoire politique des usines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.

47 Pour reprendre l’expression d’Oskar Negt, L’espace public oppositionnel, Paris, Payot, 2007.

48 Celle-ci l’est sur le terrain du logement, cf. Choukri Hmed, Loger les étrangers “isolés” en France : Socio-histoire d’une institution d’État : la Sonacotra, doctorat de sciences politiques, université Paris 1, 2006 ; et, plus largement, « Les mouvements d’immigrés », in Crettiez Xavier, Sommier Isabelle (eds), La France rebelle, Paris, Michalon, 2006, p. 399-415. Sur le terrain du travail, pour un premier aperçu, cf. Laure Pitti, « “Travailleurs de France, voilà notre nom”. Les mobilisations des ouvriers étrangers dans les usines et les foyers durant les années 1970 » in Ahmed Boubeker et Abdellali Hajjat, Histoire politique des immigrations (post) coloniales, Paris, Amsterdam, 2008, pp. 95-111.