Revue de Presse: ‘Palestine Palestine’

Article original: le monde, mar 16, 2002

La vie interdite

Dominique Dubosc n’est pas un spécialiste du Moyen-Orient, il est un documentariste, de ceux qui travaillent avec la pellicule, le son, réfléchissent sur l’imaginaire, le réel et la représentation.
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En Cisjordanie, de mars à mai 2001, le réalisateur a suivi un marionnettiste de village en village, filmé la vie à l’intérieur du camp de Dheisheh, la vie empêchée, la vie qui continue, l’humour, les contournements, la souffrance, dans un va-et-vient entre les trois volets d’un film conçu comme une peinture flamande et un hommage subtil au cinéaste Van der Keuken.

Catherine Humblot

Article original: les inrockuptibles, mar 16-26, 2002

Il y a du nouveau dans le regard médiatique sur le conflit du Proche-Orient

Etre pro-palestinien aujourd’hui n’est pas forcément synonyme de gauchisme ou d’antisémitisme, ni même d’antisionisme. Le problème est devenu objectif, criant. Un vrai cas d’école en matière de droits de l’homme.
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Il faut voir des films récents comme Palestine Palestine de Dominique Dubosc et Gaza, l’enfermement de Ram Loevy pour commencer à réaliser de quoi il retourne exactement. Ces deux films disent la même chose : les Palestiniens sont les captifs des Israéliens et en subissent les conséquences. Ou, comme le note Dominique Dubosc en exergue de Palestine Palestine : « Il arrive qu’un peuple soit pris dans le rêve d’un autre. Le sionisme est un de ces rêves. Le rêveur ici est Israël. Le prisonnier du rêve est le peuple palestinien. » Comme jadis les Juifs d’Europe étaient parqués, ghettoïsés par les Européens de souche, qui leur interdisaient d’exercer certaines professions (l’agriculture par exemple), les Palestiniens d’aujourd’hui, devenus à leur tour un peuple sans terre, voient leur existence régulée, entravée par mille trois cents ordres militaires édictés à leur encontre par Israël — par exemple : “Il est interdit d’importer ou d’utiliser un tracteur ou tout équipement agricole sans autorisation.”
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Palestine Palestine débute au moment de la seconde Intifada, lors de laquelle le cinéaste suit (dans le premier et le troisième volet de ce qui est conçu comme un triptyque) la tournée d’un couple de marionnettistes palestiniens. Manière d’aborder la question par le plus petit et le plus simple des angles : comment on explique aux enfants ce que leurs parents subissent quotidiennement. Comment le langage poétique rend compte de l’oppression.
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Le film fait alterner les spectacles dans les écoles, les voyages des marionnettistes et les impedimenta dont ils sont émaillés (rencontre avec de vrais militaires, entre autres).

La deuxième partie entre plus dans le vif du sujet, avec « quelques aperçus de la vie des réfugiés du camp de Dheisheh, dans la zone autonome de Bethléem ».Tableaux “expressionnistes” d’un peintre palestinien; évocation des couvre-feux interdisant aux Palestiniens de sortir de leurs maisons, et des différentes privations liées aux fameux “ordres militaires” israéliens.
Avec Palestine Palestine, documentaire serein, pictural, posé, Dubosc est loin de mettre de l’huile sur le feu. Relativement peu d’images violentes, guerrières (sauf une, assez crue), pas d’hystérie. Le film convainc par son détachement, par ses aperçus du quotidien des Palestiniens de base (ramasser les ordures, passer un check-point pour emmener sa femme chez le docteur, jouer au foot dans la poussière, prier, soigner les blessés, enterrer les morts).

Vincent Ostria

Article original: politis, mar 21, 2002

L’inacceptation

« La Lucarne », c’est le nom de cette collection documentaire d’ARTE, diffusée à la nuit noire, qui fait la part belle aux écritures singulières, rétives aux standards. Ses films, fleurons de la production indépendante, entendent raconter le monde de façon originale et subjective.
Celui de cette semaine, Palestine Palestine, ne fait pas exception.

Son auteur, Dominique Dubosc, a passé cinq mois dans les Territoires occupés. Ce qu’il nous livre n’est pas de l’ordre de l’explication, de l’analyse politique, c’est « l’impression qui s’est formée en lui ». Et cette impression est dominée par la notion « d’inacceptation ». L’inacceptation au quotidien, par les Palestiniens, d’un demi-siècle d’occupation, de l’injustice, des brimades. S’il n’intervient pas dans le cours du documentaire, Dominique Dubosc donne pourtant une indication au début du film, qui renvoie à cette idée. Elle concerne les 1300 ordres militaires promulgués depuis 35 ans dans les Territoires occupés. L’énumération de quelques-uns d’entre eux tourne au vertige de l’absurde : « Il est interdit de puiser de l’eau sur terre ou sous terre sans autorisation, de planter des arbres fruitiers sans autorisation, de lire certains livres, de se déplacer… »
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Formellement, le film se présente comme un triptyque. Peut-être, explique l’auteur, parce qu’il a « vu beaucoup de peintures de Brueghel et de Bosch avant de partir en Palestine ».
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L’ensemble est tissé de saynètes, comme des petits tableaux dans le tableau, de regards, de bouts de vie. Ce sont des scènes graves, révoltantes, cocasses, ou badines. Toutes captent l’attention car elles sont bourrées d’atmosphère.

Marie-Edith Alouf

Article original: Télérama

Une déclaration d’amour

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Sans commentaire (sinon une longue liste de lois qui régissent la vie dans les Territoires occupés), sans analyse, les scènes minuscules de la vie ordinaire se succèdent, jusqu’à ce que soudain, la violence brute explose à coups de pierres et de tirs à l’arme automatique. Dubosc filme la révolte instinctive, ce qu’il appelle, citant Breton, « l’inacceptation ». Plus qu’un documentaire politiquement engagé, le film de Dominique Dubosc se présente d’abord comme une déclaration d’amour en images faite à tout un peuple qui vit dans des conditions déplorables depuis plus d’un demi-siècle.

Nicolas Delesalle

Article original: Les Cahiers du Cinéma, Dec, 2003

En 2001, Dominique Dubosc passe plusieurs mois, caméra en main, dans les territoires palestiniens. Il en ramène un document extrêmement complet, sensible et clair sur la réalité « locale » de la situation, intitulé Palestine Palestine. Deux ans plus tard, l’édition DVD donne l’occasion de mesurer l’efficacité politique de ce nouveau support. Et ce d’autant mieux que le film de Dubosc n’avait rien d’un tract de propagande.
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Les ajouts au film d’origine, à commencer par le retour sur les lieux et les retrouvailles avec le couple de marionnettistes (…) fonctionnent comme des petits « moteurs de recherche » intellectuels sur l’état et l’évolution de la situation dans la région.
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De même, la possibilité de faire figurer sur le même support des textes juridiques (les ordonnances militaires de l’armée d’occupation – 300 pages), une analyse de ces mêmes textes (Rami Shehade), des textes de réflexion politique (Amira Hass, Ashaf Oron, Azmi Bishara), tire un parti important des ressources du multimedia, pour faire dialoguer des modes d’expression et de transmission hétérogènes.

J.-M. Frodon