Une Lettre de Jonas Mekas

Le 26 mai 2004

Cher Dominique,

Plusieurs semaines ont passé depuis que j’ai vu ton poème sur la Palestine,Palestine remembered (Réminiscences d’un voyage en Palestine). Il est resté dans ma mémoire aussi vivant que quand je l’ai vu. Je dis « ton poème », car je pense que c’est un poème. Je pense que c’est le meilleur film/vidéo que j’ai vu sur la situation en Palestine. Le plus émouvant. Le plus politique aussi.
La plupart des films que j’ai vus sur la Palestine – la plupart des films politiques en général – versent dans la propagande. Les journalistes et les cinéastes n’arrêtent pas de parler, de nous dire ce qu’ils veulent que nous entendions. Toi tu ne dis rien, tu laisses parler les images. Et elles parlent. Elles parlent à différents niveaux, comme seule la poésie peut le faire. Et tu en fais un pur morceau de cinéma. On voit le contenu, on voit et on apprécie en même temps le cinéma, ta façon de faire. Le film ne marche si bien pour moi que par cette pureté cinématographique. Je ne dis pas ça pour te flatter. Pendant ces dernières semaines, j’ai souvent senti que j’aimerais revoir ton film. Mon emploi du temps trop chargé m’en a empêché. Ce désir de revoir ton film, et je le reverrai, vient précisément de ce que c’est un poème et pas du journalisme. Et ça, c’est rare dans le cinéma politique aujourd’hui. Donc… merci.

Jonas Mekas

PS – Je pense à l’instant que ton film pourrait être défini formellement comme une élégie. Espoir et Tristesse. Ou Espoir plein de Tristesse. En fait, c’est un film horrible et beau à la fois. L’horreur du monde est la même que dans Goya ou Guernica. La seule différence, c’est que ça se passe aujourd’hui.