Brève rencontre à Hébron

ou comment faire un film en Palestine
(et ailleurs)

C’était en décembre 2000 à Hébron. Il pleuvait depuis trois semaines, le centre ville était inondé, les boutiques fermaient leurs portes de fer souvent criblées de balles à la tombée du jour. Personne ne s’attardait dans les rues.
Dans le Grand hôtel, l’unique employé m’a donné la clé d’une chambre. La chambre était glacée. J’ai cherché une couverture dans les couloirs déserts. L’employé avait disparu. J’ai cru être seul. Au petit matin, dans le restaurant sans serveurs, nous étions pourtant deux.
L’autre client était un réalisateur de la télévision suisse romande en repérage, ou plutôt en quête d’une idée. Il demandait : comment parler d’un sujet dont tout le monde a déjà parlé ?

La réponse était simple (je l’ai retrouvée récemment dans les Notes sur le Cinématographe de Robert Bresson) :

Tournage. S’en tenir uniquement à des impressions, à des sensations. Pas d’intervention de l’intelligence étrangère à ces impressions et sensations.

C’est vrai, l’intelligence est une étrangère, elle voyage mal, voit peu, comprend de travers, intervient à tout propos. Mieux vaudrait s’en tenir à nos impressions et nos sensations.
Mais c’est vite dit. Il y a aussi les fausses impressions. Et comment attraper une sensation ? Il y aurait eu beaucoup de choses à dire, auxquelles je n’ai pas pensé. Il faisait trop froid.

Mais je reste convaincu que Bresson a raison. Mille fois.
Si on savait comment faire.