Le DVD de Palestine Palestine a été réalisé par l’équipe du film (réalisateur et monteur). Dominique Dubosc précise ici dans quelle perspective.
L’intérêt le plus évident du DVD est la possibilité qu’il offre d’inscrire un film dans un espace intellectuel et spatio-temporel plus large, autrement dit d’élargir et de renforcer l’attention du spectateur.
Je pense par exemple, bien qu’on l’utilise encore assez peu, à la plage CD-Rom. Ses capacités pratiquement illimitées permettent de joindre au film autant de textes et de documents graphiques qu’on veut autour de l’oeuvre et de ses enjeux.
Le travail que nous avons accompli autour de Palestine Palestine témoigne de ces nouvelles possibilités.
Notre première préoccupation a été de réunir les documents de base : résolutions de l’ONU, accords d’Oslo, données numériques, cartes (montrant en particulier l’expansion des colonies israéliennes), etc… ainsi qu’une chronologie du conflit judéo-palestinien depuis 1947.
Il était indispensable à nos yeux d’établir les faits et notamment le fait de l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, d’autant que depuis Oslo, les Territoires conquis par Israël en 1967 sont passés insensiblement du statut de territoires occupés à celui de territoires « contestés », via d’obscures zones A,B,C, d’obscures « négociations », sur d’obscures « questions de sécurité » : et qu’ainsi peuvent être facilement renvoyés dos à dos Israéliens et Palestiniens, c’est-à-dire l’occupant et l’occupé…
Heureusement, car ce travail excédait nos forces, nous avons découvert un petit ouvrage d’initiation dans la collection Les essentiels Milan, qui replace simplement la question palestinienne dans l’histoire concrète, et que l’utilisateur trouvera dans l’emboîtage du DVD.
La seconde série de textes que nous voulions joindre au DVD concernait plus directement le film et le point de vue de l’auteur.
Je ne suis pas seulement parti du fait de l’occupation, mais de la nature de cette occupation telle qu’elle se révèle dans les décrets militaires qui régissent tous les aspects de la vie des Palestiniens dans les territoires occupés : je me demande au début du film (c’est mon seul commentaire) ce que signifient des lois qui interdisent tout, c’est-à-dire qui rendent la vie impossible. En d’autres termes, Israël administre-t-il pour le mieux les territoire conquis en 1967 (comme le veulent les Conventions de Genève), ou poursuit-il la guerre de 48 (comme le dit ouvertement le général Sharon), c’est-à-dire la purification ethnique de la Palestine ?
La capacité de la plage CD-Rom nous a permis de reproduire la totalité des 1 300 Ordres militaires promulgués en Cisjordanie de 1967 à 1992. Il s’agit en fait, le plus souvent, d’extraits ou de résumés (en anglais), mais qui font quand même trois cents pages…
Pour éclairer ces lois, nous aurions voulu reproduire le livre (épuisé) de Raja Shéhadé, Occupier’s Law, qui est sans doute la meilleure étude sur la question, mais à notre connaissance il n’a pas été traduit en Français. Nous avons donc préféré l’analyse plus succincte du juriste Rami Shéhadé (aucune parenté) sur les étapes de la production de ces Lois de l’Occupation, de 1967 à nos jours, et qui donne une idée assez claire de la nature et des buts de cette extraordinaire construction juridique.
En dehors de ces documents directement liés au contenu du film (auxquels il faut ajouter le synopsis complet de la pièce de marionnettes de Nidal al-Khatib), nous avons décidé de nous limiter à trois articles, dont le choix ne constitue pas une bibliographie (plus que réduite) de la question palestinienne, mais exprime, par une sorte d’effet de montage, ma position aujourd’hui (à la date de sortie du DVD) : l’analyse de la stratégie de bouclage israélienne et des faiblesses de l’Autorité palestinienne, de la journaliste israélienne Amira Hass – le point de vue moral et politique du refuznik Assaf Oron – et les réflexions d’Azmi Bishara, membre de la Knesset, en vue de définir une autre stratégie de résistance palestinienne.
En ce qui concerne la partie vidéo du DVD, on y trouvera un chapitragedétaillé (constituant en soi une sorte de story board du film) et deuxcompléments : un extrait d’interview de l’auteur et cinq petites séquences montrant ce que sont devenus les personnages et les lieux un an plus tard.
Mais il y a plus : le travail d’habillage de Bernard Josse (responsable de l’authoring) inscrit le film et ses compléments dans un univers nocturne (métaphore de « la nuit de l’occupation », si l’on veut) dont on ne sort jamais, ce qui correspond bien au sujet de Palestine Palestine.
Plus largement, en multipliant des images qui ne font pas partie du film (les images des menus, mais aussi celles de l’interview et de Un an après), le DVD dessine un espace-temps plus vaste, où le film aurait en quelque sorte été prélevé.
On peut donc voir le travail du réalisateur pour ce qu’il est : la création d’un monde à partir d’éléments choisis (ou reçus) et mis en forme (rendus) – et mieux apprécier le niveau de vérité atteint.